Avec 24% des déplacements quotidiens en 2019, la marche constitue le second mode de déplacement en France, juste après la voiture (source). À Paris et en Île-de-France, elle occupe même une place prépondérante avec une part modale de 38% — atteignant 46% à Paris intra-muros — dépassant ainsi l’usage de la voiture.
La pratique de la marche a néanmoins connu un déclin significatif en quarante ans : elle représentait 34% des déplacements en 1982, contre 24% en 2019. Une timide reprise s’observe toutefois depuis une décennie, avec une hausse de 1,5 point entre 2008 et 2019.
Malgré cette légère amélioration, la sédentarité demeure un enjeu majeur de santé publique, tant en France qu’à l’échelle mondiale. Environ 70% de la population mondiale ne pratique pas suffisamment d’activité physique pour en tirer des bénéfices pour la santé (source), avec un coût annuel estimé de 27,4 milliards de dollars par an, et un nombre de décès liés à cette sédentarité estimé entre 3,2 et 5 millions de décès.
Et au-delà des enjeux de sédentarité, la décarbonation nécessaire des transports pour lutter contre le changement climatique rend la marche particulièrement précieuse.
Mais comment augmenter cette pratique, notamment en ville ? En un mot : comment favoriser la marchabilité ?
Qu’est-ce que la marchabilité et quels sont ses enjeux ?
La marchabilité désigne la facilité et l’agrément avec lesquels un espace public peut être parcouru à pied. Ce concept évalue la qualité des espaces urbains en termes de sécurité, d’accessibilité, d’interconnexion, et d’attractivité pour les piétons.
Cette marchabilité doit s’appuyer sur des infrastructures de qualité, des intersections sécurisées, et un travail spécifique sur l’accessibilité de ces aménagements pour tous les publics (et notamment les personnes à mobilité réduite).
Elle repose aussi sur l’importance de hiérarchiser les modes (et même de les opposer comme le rappelle Olivier Razemon ici) pour construire un espace public idéal qui minimise les conflits d’usage et encourage les modes actifs :
Comment évaluer les politiques de marchabilité ?
Lignes guides
Au-delà de ces grands principes, voici quelques lignes guides :
- L’OMS recommande au moins 30 minutes de marche rapide par jour (ou 20 minutes de vélo) pour les adultes (source).
- Le concept de la ville du quart d’heure réinvesti par l’urbaniste Carlos Moreno repose sur l’idée que les habitants doivent pouvoir, dans un espace urbain idéal, accéder à tous les services essentiels (travail, éducation, loisirs, santé, commerces) à pied ou en 15 minutes de mobilité active. Ce concept donne des pistes pour re-concevoir les espaces urbains et les rendre plus marchables (et cyclables).
Indicateurs
Plusieurs types d’indicateurs permettent d’évaluer les politiques de marchabilité. Pour simplifier, on identifie des indicateurs quantitatifs, qui s’appuient principalement sur des éléments objectifs, et qualitatifs qui s’appuient principalement sur le ressenti.
Les indicateurs quantitatifs de suivi peuvent être : la fréquentation piétonne globale et évolution sur le long terme, le temps de trajet moyen, la distance parcourue, la vitesse moyenne. Elles permettent également de comparer les territoires entre eux au moyen d’indicateurs normalisés comme le Trafic Journalier Moyen Annuel.
Exemple d’évolution de l’usage de la marche entre 2023 et 2024 à proximité d’un collège en environnement urbain. On observe une progression de la fréquentation piétonne sur le dernier trimestre 2024.
Citons également dans ces indicateurs le WalkScore : https://www.walkscore.com/ qui permet de connaître rapidement la marchabilité d’un lieu, en s’appuyant sur la possibilité de trouver un maximum de commodités à distance marchable.
Mais pour travailler sur la marchabilité d’un territoire, les informations qualitatives peuvent également être pertinentes. Même si elles sont davantage subjectives, des initiatives intéressantes ont émergé récemment pour les rendre malgré tout actionnables, en s’appuyant sur des éléments concrets (type de revêtement, accessibilité, confort visuel).
Développé par l’organisation caritative internationale Walk21, l’application Walkability permet à chaque citoyen de partager son ressenti de marchabilité sur son territoire, avec différents types d’information qualitative partageable, tels que :
Pour en savoir plus sur l’application : https://walk21.com/resources/walkability-app/
Sur le même principe, en France, en 2023, la Fédération Française de la Randonnée a organisé la seconde édition du Baromètre des Villes Marchables en 2023, pour mesurer le ressenti du public, sur les aspects « sécurité », « confort », « efforts de la ville » et « aménagements » dans la pratique de la marche.
Les résultats montrent une légère amélioration du ressenti global entre 2021 et 2023. Les trois communes les plus « marchables » sont Acigné (35), Coudekerque-Branche (59) et Dainville (62).
A l’inverse Villiers-sur-Marne (94), Marseille (13) et Villejuif se distinguent comme les communes les moins marchables de France.
Les résultats complets sont visibles ici: https://www.ffrandonnee.fr/s-informer/actualites/barometre-des-villes-marchables-2023-les-resultats
Comment obtenir les indicateurs quanti/quali : les sources de données et les croisements possibles
Notre position n’a pas varié chez Eco-Compteur : pour obtenir ces indicateurs, la vérité terrain avec des données concrètes et réelles est un prérequis indispensable à toute analyse fiable. C’est en ce sens que nous travaillons depuis plus de 20 ans au développement de solutions de mesure de fréquentation fiable : nos compteurs automatiques, qui comptent tous les usagers, 365 jours par an.
Pour autant, pour exploiter des indicateurs qualitatifs, ou obtenir une vue plus complète d’un espace urbain, par exemple, il est ensuite possible de venir enrichir ces données de fréquentation et de vitesse avec des données flottantes (téléphonie, applications mobiles, appareils connectés) en croisant les deux sources : c’est la solution VisitorFlow que nous avons développé.
Grâce à cela, les villes peuvent élaborer des plans de développement de la marchabilité et mesurer les succès (augmentation de la distance moyenne parcourue à pied, augmentation de la fréquentation piétonne) ou identifier les freins (facteurs météorologiques contribuant le plus à la baisse de la marche, impact d’événements).
Nous avons réalisé pour le compte du Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis (CD93) une étude de cette nature entre juillet 2023 et janvier 2024.
Exemple d’étude sur la marchabilité : station de métro Robespierre (CD93)
Cette étude, réalisée entre juillet 2023 et janvier 2024, vise à analyser la fréquentation piétonne autour de la station de métro Robespierre à Montreuil. Elle repose sur une méthodologie combinant des données de comptage automatique (collectés grâce à notre compteur caméra CITIX-AI, utilisant l’IA pour compter et classifier plusieurs pratiques) et des données issues de la téléphonie mobile. Les données de terrain sont utilisées pour ajuster les estimations des flux piétons basées sur les données de téléphonie mobile, renforçant ainsi la fiabilité des résultats.
Le croisement des données GPS et des comptages automatiques permet une approche robuste et respectueuse des contraintes de confidentialité (RGPD).
Principaux résultats :
- Fréquentation : Plus de 2,4 millions d’entrées ont été enregistrées sur la période, avec un pic quotidien de 30 944 visiteurs observé le 1er décembre. La fréquentation moyenne est de 12 865 entrées par jour. Les jours ouvrables concentrent la majorité des flux.
- Caractéristiques des déplacements :
- La distance moyenne parcourue par les piétons est de 559 mètres, avec une médiane à 394 mètres.
- La vitesse moyenne de marche est de 3 km/h, avec des variations observées selon les jours de la semaine et les périodes de la journée.
- Origines et destinations des piétons :
- Environ 73 % des piétons habitent ou se dirigent à moins de 10 minutes de marche de la station, ce qui souligne un usage local et de proximité.
- Les trajets sont fortement influencés par la proximité de points d’intérêt fonctionnels (bureaux, supermarchés) et la morphologie urbaine.
Les résultats mettent en avant l’importance des déplacements courts dans les environnements urbains denses et renforcent le rôle du métro comme centre d’attractivité pour des trajets majoritairement locaux. Ils peuvent servir à orienter des projets de réaménagement urbain pour maximiser l’accessibilité et améliorer la marchabilité du quartier.
Conclusion
On l’a vu, l’amélioration de la marchabilité est un enjeu politique majeur et nécessite une approche globale combinant aménagements urbains adaptés, collecte de données et évaluation continue des politiques mises en place. Voici les points essentiels à retenir :
- La marche représente 24% des déplacements en France, et semble progresser de nouveau après des décennies de déclin
- La marchabilité repose sur des infrastructures de qualité, la sécurité des intersections et l’accessibilité pour tous
- L’évaluation de la marchabilité peut s’appuyer sur des outils comme WalkScore, des compteurs automatiques et des enquêtes qualitatives
- La combinaison de données de comptage automatique et de traces GPS peut permettre d’obtenir des informations précieuses sur la pratique, comme dans l’exemple présenté plus haut du CD93.