La Métropole de Montpellier est caractérisée par un développement urbain très rapide avec une croissance démographique importante. Cela a entraîné des besoins d’aménagements urbains nécessairement forts, et une culture de l’urbanisme automobile commune à beaucoup de territoires.

La Métropole de Montpellier a néanmoins connu un revirement politique important sur sa politique cyclable. En 2020, Michaël Delafosse a été élu maire de Montpellier et président de sa Métropole avec un programme ambitieux de réduction de la voiture individuelle et de développement de la part modale vélo et modes alternatifs (transports en commun notamment).

Pour mieux comprendre cette politique ambitieuse et éclairer comment les données vélo et plus précisément les traces GPS Geovelo et les comptages Eco-Compteur soutiennent les décisions, nous avons pu échanger avec Thomas Lavaur, coordinateur de la mission vélo, Arnaud Grenier, chargé d’études modes actifs, ainsi que Johan Peignin, chargé de mission sur les plans de mobilité employeurs.

Politique des transports

Parmi les mesures emblématiques du nouveau mandat : la gratuité des transports pour tous les habitants qui sera mise en place le 21 décembre 2023. Il s’agit du plus grand réseau d’Europe à mettre en place une telle gratuité, et cela constitue une action phare du mandat en cours.

En plus de cette mesure phare, la Métropole a adopté récemment sa Stratégie Mobilités 2025, un vaste plan qui comprend des investissements importants dans les transports en commun et les mobilités actives (supérieur à 1 milliard d’euros), parmi lesquels :

• La création d’une nouvelle ligne de tramway
• une nouvelle offre de bustram à haut niveau de service, pour connecter différents quartiers de Montpellier, et desservir plus efficacement les communes de la Métropole
• Un travail en partenariat avec l’entreprise Klaxit pour la promotion du covoiturage (la Métropole est déjà 2^e au niveau national en termes de trajets réalisés)
• Un programme de 150M€ dédié aux modes actifs, dont les 2/3 à la pratique du vélo spécifiquement, avec la réalisation d’un Réseau Express Vélo
• Une aide à l’achat pour les vélos à assistance électrique, sans condition de ressource, de 500€ par habitant. Plus de 40 000 dossiers ont été reçus par la Métropole à ce jour ;
• Une politique de développement du stationnement vélo sécurisé (vélobox)
• Un volet d’accompagnement et de sensibilisation avec le soutien au programme « Savoir Rouler à Vélo » à l’école, avec déjà près de 50% des communes de la Métropole engagées dans le programme
• Un travail avec l’écosystème associatif vélo : accompagnement des nouveaux usages, et travail en commun avec les associations pour les aménagements et la pratique

L’ensemble de ces projets sont articulés pour favoriser une meilleure intermodalité sur l’ensemble du territoire, avec une offre adaptée à chaque situation.

A noter également : Montpellier est un territoire touristique, parcouru par des itinéraires cyclo-touristiques importants comme l’EuroVelo 8 à proximité, ainsi que des itinéraires nationaux et locaux (V70 et V830 à l’est de Montpellier), tous reliés aux Pôles d’Echange Multimodaux de Montpellier (Saint Roch et Sud de France). Il est donc envisagé pour le futur de mieux intégrer ces pratiques d’itinérance ou d’usages récréatifs pour le week-end et les vacances dans les projets d’aménagement.

Détail du Réseau Express Vélo

Voté en mai 2022, le Réseau Express Vélo de Montpellier comporte 235km d’aménagements cyclables identifiés, avec l’objectif d’en réaliser au moins 50% d’ici la fin du mandat.

Ce nouveau Réseau Express Vélo se compose :

• D’un plan structurant constitué de 15 « vélo lignes » : 11 radiales, 4 rocades + anneau vélo central pour aménagements cyclables dans le centre historique et patrimonial de Montpellier
• Et se complète d’un réseau de liaison et de proximité pour un maillage plus fin et plus complet du territoire

Utilisation de Cycling Insights pour développer la part modale vélo

 Données d’usage

Pour suivre le développement de cet ambitieux programme et développer la part modale du vélo dans la Métropole, la Métropole de Montpellier utilise un réseau de compteurs permanents (avec des données disponibles en Open Data), ainsi que l’application Cycling Insights, alimentée par les données transmises par les utilisateurs de Geovelo (plus d’information sur Cycling Insights dans notre série d’articles sur le sujet).

Les données collectées sont utilisées par la Métropole, la Mission Vélo et les partenaires pour guider les choix d’aménagement : préférence pour tel type d’aménagement cyclable ou tel autre à un endroit donné, en fonction des données d’usage. Les données sont également utilisées lors des démarrages des projets d’aménagement, notamment avec les partenaires. Elles servent à confirmer ou infirmer un ressenti sur les types de déplacements ou les fréquentations des axes en projet de réaménagement.

Les possibilités offertes par Cycling Insights de générer des isochrones (représentation cartographique des temps de déplacement à vélo pour se rendre d’un point A à un point B) sont consultées, plutôt sur le mode exploratoire pour le moment.

Au-delà des projets d’aménagement, les données sont communiquées aux élus pour les informer du trafic vélo sur les nouveaux aménagements réalisés. Cela a notamment été le cas pour l’aménagement cyclable réalisé sur la rue St Louis qui montre des données d’utilisation plus qu’encourageantes (bien que la continuité ne soit pas tout à fait finalisée).

Données cartographiques/aménagements cyclables

L’utilisation de Cycling Insights a également permis d’automatiser le travail de recensement des aménagements cyclables, fait manuellement avec beaucoup d’effort et de temps par le passé.

En plus de faciliter le recensement, l’outil permet de constituer une base partagée pour toutes les communes, et de fiabiliser les données, en lien avec la communauté Geovelo/OpenStreetMap qui contribue également.

Exemple d’observatoire des aménagements cyclables par typologie sur le territoire de la Métropole visible dans Cycling Insights

Travail partenarial avec la communauté d’usagers Geovelo

A date, la communauté Geovelo de Montpellier compte 10 793 inscrits total, dont 3 700 usagers réguliers.

Thomas Lavaur et Arnaud Grenier soulignent l’importance d’un outil qui repose autant sur la communauté OpenStreetMap que sur la collectivité et de pouvoir bénéficier du meilleur des deux, les usagers pouvant contribuer, au même titre que la collectivité, qui assure et optimise la qualité des données cartographiques, grâce à un outil de contrôle dédié.  L’utilisation d’une application citoyenne (hors des GAFA) prend tout son sens pour mettre en place un vrai partenariat avec les citoyens !

Quelques résultats obtenus

A mi-mandat, les premiers résultats de ce programme de réduction de la place de la voiture individuelle, et rééquilibrage au profit des modes actifs et des transports en commun semble porter ses fruits.

Amélioration de la qualité de l’air

On note ainsi une amélioration de la qualité de l’air sur le territoire de la Métropole : en suivant les critères de l’Etat, la Métropole est pour la 3^e année consécutive en dessous des plafonds fixés par l’Etat (à noter néanmoins que ces années incluent la période COVID marquée par une forte réduction des déplacements). Néanmoins, cette amélioration est très encourageante et autorise la métropole à déroger à l’obligation de mettre en place une Zone à Faible Emission (ZFE) dans le centre-ville de Montpellier pour le moment.

Progression de la part modale vélo

Données INSEE sur la part modale vélo à Montpellier et aux alentours

En 2014, la part modale du vélo était de 4% à Montpellier ville (2% à l’échelle de l’intercommunalité hors la ville centre) et de 3% pour Montpellier Méditerranée Métropole, en légère croissance de +1% par rapport à 2004.

La dernière enquête de l’INSEE[1] fait état d’une part modale de 9,2% pour la ville de Montpellier, et de 6,6% pour la Métropole, soit une augmentation conséquente et dans la moyenne haute des Métropoles françaises. Une progression d’autant plus encourageante que l’effort a encore été plus important après 2020, période non prise en compte dans cette enquête INSEE.

Pour rappel, au sein des grandes villes, c’est à Grenoble et Strasbourg que les habitants utilisent le plus les modes doux pour aller travailler, notamment le vélo (17 %). Entre 2015 et 2020, le recours à la bicyclette pour se rendre au travail a augmenté de 2 points dans les communes-centres, pour atteindre 6 % début 2020.

Ressenti des usagers, via le Baromètre des Villes Cyclables de la Fédération des Usagers de la Bicyclette

Sur les 3 461 contributions soumises pour le Baromètre 2021 des Villes Cyclables, la Ville de Montpellier est passée d’une note moyenne de F (climat défavorable) en 2019 à D en 2021 (climat moyenne favorable), soit une évolution de +46% de ressenti positif.

Une performance notable en comparaison avec la moyenne nationale qui montre plutôt une dégradation du climat cyclable (ou une augmentation de l’exigence des usagers !) : 2,98 en 2021 contre 2,9 en 2019 (les notes les plus élevées sont les plus mauvaises), soit -3%.

Évaluation de la ville de Montpellier au Baromètre des Villes Cyclables 2021

Évolution comparée du trafic moyen vélo et voiture

La Direction des mobilités publie tous les ans un observatoire du trafic routier qui combine plusieurs sources de données (dont ceux fournis par les compteurs vélo permanents progressivement mis en service par la Métropole depuis 2019) pour fournir un panorama complet de l’évolution des mobilités.

En comparant à période constante entre 2021 et 2020, l’observatoire note une hausse de fréquentation du trafic vélo, qui varie néanmoins suivant les sites. Ainsi, la rue de la Vieille Poste est en hausse de 39% et le Quai des Tanneurs de 35%. L’avenue de Lodève, l’allée Beracasa et les pistes de Pérols ont une progression comprise entre 15% et 19% alors que la RM5 à Lavérune et la rue Gerhardt augmentent d’environ 10%. Seule l’avenue Delmas a un trafic qui progresse moins vite avec une hausse de 2%.

En comparaison, le trafic automobile a progressé en moyenne de 9% entre 2020 et 2021, et certains axes ont même enregistré une baisse de trafic, notamment parmi ceux ayant fait l’objet d’un réaménagement. Pour autant, 2021 ne marque pas un retour à la situation avant la pandémie. Entre 2021 et 2019, le trafic reste en baisse de près de 9%.

Pour plus de détails sur les chiffres de fréquentation des systèmes de comptage vélo, l’association Vélocité Montpellier a créé une page web dédiée qui affiche les données, en s’appuyant sur la plateforme Open Data de la Métropole.

Vous voulez en savoir plus sur nos outils d’analyse des fréquentations vélo ? Contactez nous !

[1] Part des actifs occupés de 15 ans ou plus qui utilisent principalement un vélo (y compris à assistance électrique) pour aller travailler (données 2020, INSEE).