L’exemple de la commune de l’ile de Bréhat, destination touristique bretonne majeure, souligne en effet l’importance de maîtriser les flux de visiteurs pour une expérience de qualité. Une enquête menée en 2022 montre ainsi une corrélation forte entre le taux d’insatisfaction des visiteurs et le nombre de personnes présentes sur l’île. Plus le nombre de visiteurs est élevé, plus le taux d’insatisfaction l’est aussi.
Explorons ci-dessous quelques exemples qui montrent comment l’obtention de données d’usage permettent d’améliorer l’expérience des visiteurs en environnement naturel.
Gérer l’expérience visiteur avec réservation, et encourager l’accès à pied ou à vélo (Parc Acadia)
Le parc national d’Acadia est l’un des parcs nationaux les plus populaires des États-Unis et le seul dans le Maine. Ce parc de quasiment 20 000 hectares de sentiers, montagnes et côtes est ouvert toute l’année aux visiteurs nationaux et internationaux.
Les origines du parc sont uniques : il a été le premier parc national créé grâce à des dons de terrains privés. Malgré sa forte fréquentation (4 millions de personnes par an), Acadia est l’un des plus petits parcs nationaux des États-Unis – se classant 50e sur 63 par taille. Cela fait nécessairement de l’accueil et de l’expérience visiteur une préoccupation majeure pour les gestionnaires.
Naturellement, les gestionnaires du parc d’Acadia ont beaucoup de questions autour de l’accueil visiteur : combien de personnes visitent le parc ? Où vont-elles ? Quelles informations utiles cela peut-il fournir pour les projets de préservation ?
Les gestionnaires utilisent différentes sources de données pour obtenir ces informations et améliorer l’expérience des visiteurs. Citons en exemple le cas du plus haut sommet du parc national (et point le plus élevé de la côte Est des Etats-Unis !) : Cadillac Mountain. Avec une altitude de 466m, ce site est très attractif pour les amateurs de randonnée (et de splendides couchers de soleil !).
Ces dernières années, afin d’optimiser l’accueil des visiteurs et mieux gérer les véhicules motorisés, le parc Acadia a introduit un système de réservation de créneaux horaires. Sans réservation, les visiteurs ne peuvent pas monter jusqu’au sommet en voiture. En revanche, pour encourager l’éco-mobilité, diminuer la congestion du site, et améliorer la sécurité, les visiteurs qui accèdent à la montagne à pied ou à vélo n’ont besoin d’aucune réservation !
L’équipe d’Acadia a en effet constaté que, en raison d’un trafic parfois très important, les véhicules d’urgence ne pouvaient pas accéder au sommet à certaines heures de la journée.
D’où la mise en place de l’accès libre et gratuit pour les visiteurs se rendant au sommet à pied ou à vélo. Mais comment mesurer l’impact de cette mesure ? Avec des compteurs, tout simplement !
A l’avenir, les données collectées par ces compteurs positionnés à des endroits stratégiques accessibles uniquement à pied et à vélo vont permettre de quantifier la part des visiteurs choisissant ce mode pour se rendre au sommet, et suivre la tendance dans le temps : observera-t-on une augmentation de 10% ? 25% ?
Mesurer et anticiper la saturation des sites (Parc Miribel Jonage)
En France, dans le Parc Miribel Jonage, les gestionnaires se sont également équipés de compteurs piéton, vélo et voiture pour améliorer l’expérience des visiteurs de ce parc.
Ce parc de 2 200 hectares est situé entre le sud du département de l’Ain et l’agglomération lyonnaise, qui est à la fois un espace de loisirs et de détente, ainsi qu’une réserve en eau potable pour 95% de la région lyonnaise et un site au patrimoine naturel exceptionnel : il est classé site Natura 2000, Espace Naturel et Sensible, et Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF).
Les données de fréquentation collectées ont permis de connaître le nombre de voitures présentes sur site, et de constituer différents seuils de présence : stationnements réguliers, stationnements sauvages et saturation du site.
Cette saturation est problématique, d’autant plus qu’elle a une incidence sur la circulation des bus qui ne peuvent plus accéder au parc. Et dans une logique de réduction de l’impact environnemental, il est primordial de favoriser l’accès via les transports au commun. Les données collectées permettent d’appuyer les actions et politiques à mettre en œuvre pour éviter que ce phénomène se produise.
Parmi les mesures prises : la mise en place d’une ligne de bus express pour la desserte du parc, ce qui a eu pour impact de réduire par trois le temps de parcours nécessaire par rapport à une ligne classique, et de favoriser le report modal. L’aménagement de 75km de pistes cyclables a également permis de réduire l’usage de la voiture personnelle pour se rendre sur le parc.
L’analyse des données de fréquentation a permis également d’identifier que 50% des accès se faisaient par l’entrée historique du site, contre 16 à 20% des accès par l’entrée du Machet. L’objectif est de pouvoir rééquilibrer les entrées entre les accès historiques et les nouvelles entrées, pour réduire les mouvements de cisaillement et la congestion globale du site. Un travail de communication et de signalisation a été entrepris pour mieux orienter les visiteurs vers l’entrée du Machet, et les comptages permettent de mesurer l’impact de ces mesures.
Aménager et adapter les ressources (Parc du Mont Royal, Canada)
Le parc du Mont-Royal est l’un des espaces verts les plus importants de Montréal. Conçu par Frederic Law Olmsted et inauguré en 1876, il constitue l’élément central du site patrimonial du Mont-Royal, la plus ancienne aire protégée par une municipalité du Québec.
Pour travailler sur les questions d’accessibilité, de conservation des milieux naturels, de valorisation des patrimoines, de gestion ou de planification, le Bureau s’est équipé de 22 systèmes, dont des compteurs piétons permanents (PYRO Box) et des compteurs vélo temporaires pour observer l’achalandage dans le parc du Mont Royal, le parc Jeanne Mance et le parc Tiohtia:ké Otsira’kehné, les trois principaux parcs du site patrimonial.
Pour la Ville de Montréal, « les données sont un réel outil d’aide à la décision. Elles permettent de planifier de meilleurs projets d’aménagement, adapté à l’achalandage observé. Elles permettent de mieux comprendre la répartition de l’achalandage et de mieux planifier les ressources requises pour soutenir les services offerts dans le parc. »
Quelques exemples d’utilisation :
- Les données de fréquentation sont utilisées pour mesurer la fréquentation des pistes de ski et de raquette en hiver.
- Les données permettent de valider la nécessité d’aménager de façon plus durable des tronçons de sentiers secondaires en milieu boisé et de justifier les interventions projetées auprès des instances consultatives et décisionnelles.
- Les données permettent de connaître le volume de l’achalandage vélo et de mieux saisir les potentiels conflits d’usages.
- Enfin, grâce à l’intégration des données GPS, les données permettront de quantifier les pratiques sportives illégales en milieu naturel (vélo de montagne et vélo de course hors sentier) qui abîment la faune et la flore.
Bilan et évolution de l’achalandage
En 2006, les études avaient estimées la fréquentation du parc du Mont Royal à 4.5M de visiteurs (et 2.5M pour le Parc Jeanne Mance).
En 2024, le volume de l’achalandage serait d’au moins 4.8M de visiteurs par an au parc du Mont-Royal, un chiffre encore amené à évoluer, car ne prenant en compte que 80% des sites environ (cf. partie « historique de l’observation » ).
Depuis la mise en place des compteurs, une augmentation de l’achalandage de 6.6% entre 2022 et 2023 a pu être constatée. A date et sur une période comparable, l’augmentation atteint même 8.8% entre 2023 et 2024.
La tendance haussière s’installe donc, très certainement portée par les changements d’habitudes liés à la pandémie, l’augmentation globale de la population à Montréal, et peut être une nouvelle tendance à plus profiter des parcs urbains plutôt que de sortir de la ville.
Conclusion
En résumé, les données éclairent la prise de décision, permettant de justifier des aménagements, de mettre en place toute sorte de mesure pour améliorer l’expérience visiteur : de la mise en place de réservation, aux projets plus lourds de réaménagement. Les données factuelles sont d’autant plus importantes que les mesures mises en place sont contraignantes pour les visiteurs : sans chiffre fiable et objectivable, il est difficile d’argumenter.
Sur le sujet encore plus sensible des pics de fréquentation, les données ont également montré toute leur pertinence, retrouvez notre article dédié !